Avis d'expert

Comment protéger les enfants des contenus inadaptés ?

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8 MIN

C’est l’émission de ce début d’année qui a provoqué une onde de choc chez de nombreux parents.  "Zone interdite", le magazine de M6, proposait début janvier une enquête éclairante sur les ados et le sexe. Effrayante, l’émission - disponible en replay - n’a laissé aucun parent indifférent. Et on les comprend. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde hyper connecté. De la télévision à l’ordinateur en passant par la tablette, le téléphone, nous sommes tous, familles, parents et enfants, très exposés aux écrans. 


Le numérique - pour nous parents qui ne sommes pas digital natives - a bouleversé l’approche de la sexualité des adolescents et adolescentes. Il est très difficile pour les parents de prendre la juste mesure de dangers qu'ils n'ont pas eux-mêmes connus dans leur enfance et leur adolescence. Et donc largement, le numérique permet l’accès à des contenus inadaptés comme violents pour nos enfants, notamment à travers les jeux vidéo. Quels sont les dégâts ? Comment les protéger ? Comment aborder le sujet avec ses enfants ? Réponse ci-dessous avec la parole d'expertise :  Anne-Lise Ducanda, médecin en PMI et fondatrice du Collectif surexposition écrans (CoSE)

Les dégâts des écrans : traumatisme addiction reproduction

  • Les jeux vidéos

Rappelons que l'OMS - Organisation Mondiale de la Santé - reconnaît l'addiction au jeu vidéo comme une maladie depuis 2019. Dans un article publié le 26 novembre 2020 dans Le Monde, le Docteur Benjamin Pitrat, addictologue dans le service de pédopsychiatrie de l'hôpital Robert Debré à Paris, indique notamment que « l'addiction aux écrans, qui représentait 1 % de ses consultations il y a sept ans, représente 90% en 2020 »


Dans son livre Les tout-petits face aux écrans: comment les protéger le docteur Anne-Lise Ducanda explique que Xavier Emmanuelli, fondateur du SAMU social, lui disait qu’en 2018 le SAMU et la police recevaient de plus en plus d'appels d'urgence de parents pour des adolescents violents, dans des familles sans facteurs habituels de risque (alcoolisme, violences conjugales, grande précarité). 


Fortnite et GTA, ceux jeux videos que vous connaissez déjà...


Apparu en 2017, le jeu vidéo Fortnite comptait 350 millions de joueurs dans le monde en mai 2020. Dans la version principale (Battle Royale), le joueur, largué sur une île, doit être le dernier survivant. Pour gagner, donc, il doit se cacher pour éviter de se faire tuer et saisir toutes les opportunités de tuer les autres. Ambiance…


Pour GTA, bien qu’il soit déconseillé aux moins de 18 ans en raison de sa grande violence et de ses images pornographiques, on sait qu’il séduit un public de plus en plus jeune. Comme l’explique le Docteur Ducanda, « Des enfants, parfois âgés de 4-5 ans, se trouvent ainsi exposés à des scènes sexuelles explicites (viol, fellation….) et à des actes de meurtre perpétrés par le joueur lui-même (torture, attaque à la machette). L'enquête de l'association « Enfance-télé-danger ?» menée en province nous apprend que 39 % des 6-12 ans joueraient à GTA, alors même que ce jeu ne peut qu'encourager à la violence, selon un rapport remis dès 2015 par l'American Psychological Association.

  • Les contenus pornographiques 

C’est un fait, les enfants sont de plus en plus exposés, volontairement ou non à des contenus à caractère pornographique : absence de consentement, violence - la plupart du temps à l’encontre des femmes -, standards totalement déformés de la réalité, ces contenus traumatisent les enfants. 


Et cette exposition bien trop précoce entraîne des effets à court et long terme. «Dans l'immédiat, on peut voir des enfants reproduire sur un plus petit les scènes qu'ils ont vues à l'écran, perdre le sommeil et l'appétit, ou développer un rapport compliqué à leur corps qui peut se traduire par des demandes de chirurgie des parties génitales » note le Docteur Ducanda. «Certains garçons développent aussi une addiction au porno, qui nécessite un accompagnement en pédopsychiatrie ou en addictologie.

  • Le cas des nudes

Le numérique a aussi une influence sur les relations des ados entre eux. Les histoires d’amour commencent sur Snapchat ou Instagram. Et la drague en ligne passe souvent par l’envoi de photos suggestives ou dénudées, que les ados appellent des "nudes". La pratique concernait, jusqu’ici, surtout les lycéens. S’envoyer de photos dénudées est en train de devenir une norme au collège. "Les nudes, tout le monde en fait", expliquent justement les ados qui témoignent dans le reportage de M6 évoqué plus haut. 


Ces photos ou vidéos sont souvent réclamées comme preuve d’amour ou de confiance dans une relation amoureuse. Et la pression est bien réelle sur celles qui refusent de jouer le jeu. Certaines voient ensuite ces images diffusées sans leur accord, c’est ce qu’on appelle le "revenge porn". Un phénomène qui a explosé depuis quelques années et dont sont victimes les filles, dans l’immense majorité des cas.

Quand le mal est fait, comment réagir ? Comment débloquer la situation ?

  • Comment réagir si mon enfant a vu un contenu qu’il n’aurait pas du voir ?

Selon le Docteur Ducanda «Il est déjà peu probable qu'il vous en parle : il pourra se sentir honteux ou coupable, craindra qu'on lui retire les écrans; parfois, il voudra tout simplement ne pas inquiéter ses parents. Néanmoins, il peut y avoir certains signes, plus ou moins évidents, que votre enfant a vu des contenus choquants : labilité émotionnelle (nervosité, crises de larmes, anxiété), troubles du sommeil, maux de ventre, troubles de l'alimentation (anorexie, vomissement…), phobie, obsessions.

  • Comment aborder le sujet avec les enfants ?

Selon le Docteur Ducanda «Ne culpabilisez pas de lui dire « non». Fixez des règles claires. La charte familiale de CoSE pourra vous être très utile. Vous n'êtes pas tenus de donner à votre enfant ce qu'ont ses copains: La Switch à 7 ans, Fortnite à 8 ans, un Smartphone à 9 ans, TikTok à 10 an.. Maîtrisez l'usage de tous les écrans, en utilisant un contrôle parental aussi bien sur les appareils que sur les accès internet. Fixez des moments et des lieux sans écran en vous aidant de la méthode des 4 pas de Sabine Duflo (pas le matin, pas au coucher pas aux repas, pas dans la chambre de l'enfant). Au primaire et au collège. Je conseille qu'il n'y ait pas d'écran les jours entiers d'école (lundi, mardi, jeudi, vendredi), cette règle étant valable aussi pendant les vacances.


5 conseils pour prévenir les dégâts des écrans sur nos kids 

  1. Attention à ne pas blâmer la victime. Celui qui enfreint la loi, celui qui est condamnable, dont le comportement doit être dénoncé, c’est celui qui diffuse la photo, celui qui la partage. Pas celle qui l’a envoyée. Bien sûr, cela n’empêche pas de rappeler aux ados d’être prudentes avec les images qu’elles choisissent de partager, de faire attention. Car l’envoi de photos intimes fait partie de la vie amoureuse à l’ère du numérique. La responsabilité des parents, c’est de rappeler à ceux qui seraient tentés de diffuser de telles photos, qu’ils risquent une sanction pénale : 7 ans de prison et 100.000 euros d’amendes s’il s’agit de la photo d’une mineure.

  2. Pour réagir quand son enfant est victime de violence numérique, quelle qu’elle soit, on peut demander de l’aide, en appelant le 3018. C’est le numéro de l’association e-enfance, qui vous indiquera la marche à suivre si votre enfant, par exemple, est victime de chantage de la part de quelqu’un qui détient des images et menace de les diffuser.

  3. Pour le Dr. Ducanda, s’agissant du portable : «Quand votre enfant aura son smartphone, soyez vigilants en fixant certaines règles: pas pendant les repas, pas pendant les devoirs, pas la nuit, mais seulement à certains créneaux horaires que vous aurez jugés pertinents.

  4. Mettez en place un système de contrôle parental tout en expliquant à votre enfant ou adolescent qu'il ne s'agit pas de faire la police, mais de le protéger (ndlr : seulement 16% des smartphones des 12-14 ans en sont équipés…). Ils permettent de bloquer l'accès aux sites, aux applications et aux réseaux sociaux qu’on juge dangereux, de définir les créneaux pendant lesquels l'usage des écrans est autorisé; de limiter le temps que l’enfant passera dessus. «Néanmoins, sachez bien que les enfants sont très habiles pour contourner le contrôle parental, en changeant le fuseau horaire par exemple.» note le Docteur Ducanda.

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